Ce soir-là, Matty l’avait invité à diner. Pour l’occasion, elle s’était bien sûre faite belle, essayant de n’en faire ni trop peu, ni trop tout court. Finalement, ce juste milieu, elle l’avait trouvé, et le rendu était bien sûr sublime. Cela ne faisait que quelques jours qu’ils se connaissaient, mais son ventre regorgeait d’ores et déjà de mille et un petit papillons, et Betsy allait devoir apprendre à se faire à leur présence. Autant dire que Matty lui faisait un effet pas croyable ! Le coup de foudre ? Oui et non. Oui parce qu’il lui avait fallu d’un seul et unique regard pour les faire apparaître, ces petits papillons, et non, car cela signifiait bien plus que cela. L’amour au premier regard, plutôt. Enfin bref. C’était donc avec ces nouveaux amis les papillons, ainsi qu’un énorme sourire gravé sur le visage, comme c’était le cas depuis leur rencontre, qu’elle s’était rendue au chalet où Matty l’attendait. Le jeune ne tarda pas à lui ouvrir, et lorsqu’elle le vit, son sourire se fit encore plus élargit, si toutefois la chose était possible, et ses yeux pétillaient de mille feux. Et ce fut pire lorsqu’elle entra dans le chalet, et que le magnifique décor, créé par Matty, qui avait d’ailleurs dû mettre un temps fou à préparer tout cela, lui sauta aux yeux. C’était magnifique. Des bougies étaient placées par-ci par-là, créant une atmosphère on ne peut plus agréable, tout comme les pétales de roses sur le sol. Pour un peu, elle aurait presque crut qu’il allait la demander en mariage ! Toujours était-il que l’ambiance romantique de cette soirée lui plut aussitôt, et la fit fondre de l’intérieur. Mais le clou de la soirée, c’était bien évidemment lui. Non non, il n’était pas en smoking, et portait des vêtements simples, tout comme elle au fond, mais dès que les yeux de la jeune femme se posaient sur lui, elle avait l’impression de le revoir pour la première fois, découvrant alors combien cet homme-là était magnifique. Bien sûr, lorsqu’il la complimenta, Betsy ne sut plus où se mettre, et rougit, comme à son habitude. La soirée se déroula parfaitement, quoi que le cœur de la jeune femme lui fit des frayeurs, à trop s’emballer, ou à manquer des battements. Et vint alors le baiser, tant attendu. Et là, ce fut un feu d’artifices d’émotion qui explosait en elle. Ou une sorte de volcan en ébullition, relâchant alors toute la lave brulante accumulée. Un marathon de danse incessant pour les petits papillons.

Et c’est à ce moment là, qu’elle se réveilla, toute troublée par son souvenir rêvé. Betsy mit du temps à redescendre sur terre, à se rendre compte que tout cela n’avait été que le fruit de son imagination, qu’elle était seule dans sa chambre, et que la seule personne à être non loin d’elle était sa sœur, dans une pièce voisine. Haletante suite à son rythme cardiaque bien trop élevée, elle ferma les yeux, et tenta de réguler sa respiration, tout en faisant abstraction de ce souvenir dont elle avait rêvé, car si elle continuait à y penser, elle le savait, elle ne pourrait en aucun cas se calmer. Ce n’est qu’après quelques minutes qu’elle y parvint, et un soupir de soulagement quant à l’exploit qu’elle venait d’accomplir, et de déception car tout ceci n’avait été que fictif, emplit la pièce. Il était quatre heures du matin, et Betsy ne se rendormirait plus. C’était inutile d’essayer, sachant pertinemment qu’à peine ses yeux se seraient fermés, elle repenserait à tout cela, et à Matty, qu’elle avait espérer recroiser ici, mais qu’elle n’avait pas aperçu jusqu’ici. Inutile de remuer le couteau dans la plaie… Betsy décida finalement de se lever, mais elle se rendit compte que son corps ne s’était pas encore remit de ce trop-plein d’émotion, car ses jambes tremblaient. Elle attendit à nouveau quelques minutes, tout en fermant les yeux, et essayant de penser à autre chose, jusqu’à ce que ses gambettes décidèrent de lui écouter à nouveau et de rester immobiles. Alors, elle se leva, et alla se passer un peu d’eau sur le visage, dans la salle de bain. Allait-elle être aussi perturbée tout le long de son séjour ici ? Dieu seul le savait, mais la jeune femme espérait que non. Cette pensée lui donna incroyablement envie de fumer. Oui, elle fumait –uniquement des mentholées ceci dit. Oui, c’était mal. Sa grand-mère le lui disait assez souvent. Mais que voulez-vous ! Betsy retourna dans sa chambre et attrapa paquet et briquet sur sa table de nuit, avant de sortir du chalet, en pyjama, ne pensant pas qu’elle risquerait de rencontrer qui que ce soit dehors à cette heure-ci. En descendant les quelques marches, elle attrapa une cigarette, qu’elle coinça entre ses lèvres. Après avoir fait quelques pas, elle voulut allumer ladite cigarette, mais c’est à ce moment qu’elle entra en collision avec quelque chose. Elle ne réalisa pas tout de suite, et se contenta de ramasser sa cigarette encore éteinte, jusqu’à ce qu’elle voit des jambes en face d’elle. Elle n’avait pas percuté quelque chose, mais quelqu’un. Aussitôt, son regard se dirigea vers le visage de la personne, et là, son cœur manqua un battement, et son cerveau se fit la malle, ne répondant plus à ses appels afin de faire un mouvement. La bouche entrouverte, elle ne fut capable que de prononcer un mot, ou plutôt un prénom. « Matty… » C’était tout ce dont son cerveau, son cœur, ses jambes, lui permettaient de faire en cet instant. En revanche, ses yeux s’embuèrent sans difficulté…

Elle l’avait espéré, depuis son retour ici. Oui, elle avait croisé les doigts pour que cela se produise, pour qu’il se retrouve réellement en face d’elle. Elle avait voulu le revoir, en chair et en os, admirer à nouveau chacun de ses traits, même si ceux-ci étaient toujours encrés dans sa mémoire comme s’ils s’étaient vus pour la première fois la veille. Mais elle savait bien qu’il y avait une différence entre espérer quelque chose et le voir réellement se réaliser. Sans compter que de se retrouver au même endroit, au même moment, des années après, c’était tout de même gros. Jamais Betsy n’avait imaginé un instant que celui puisse effectivement se produire. Alors, forcément, en le voyant là, devant elle, son corps entier lui faisait défaut. Son cerveau ne répondait plus, pas plus que ses yeux, qui étaient fixés sur son visage, comme si au moindre mouvement, Matty risquait de disparaitre à tout jamais. Ses jambes, quant à elles, étaient devenues soudainement lourdes, encrées dans le sol, incapables du moindre mouvement, tout en tremblant sous l’effet de la surprise, et de ses retrouvailles tant désirées. C’était presque trop beau pour être vrai, trop irréel. Elizabeth avait peur de divaguer, d’être en train de rêver à nouveau. Mais pourtant, lorsqu’elle prononça son nom, elle réalisa que tout ceci ne pouvait qu’être vrai. Des larmes vinrent lui embuer les yeux. Cela faisait tellement longtemps qu’ils ne s’étaient pas revus, mais qu’elle pensait tout de même à lui tous les jours, à chaque seconde de chaque minute, de chaque heure, de chaque jour. D’ailleurs, on lui avait souvent dit qu’elle était folle, qu’elle devait passer à autre chose, que les amours de vacances devaient le rester, et qu’il y avait autant de chance qu’ils se revoient que de chance qu’elle gagne au loto. Pourtant, il était là. Elle venait de gagner le jackpot. Son cœur battait tout comme le ferrait le bruit d’une machine à sous de Las Vegas signalant au joueur sa nouvelle fortune. Et il prononça son surnom. Jamais jusqu’alors il ne lui avait semblé aussi mélodieux, aussi harmonieux, aussi beau. En réalité, tout ce qui sortait de sa bouche, elle le percevait de la sorte. Il pouvait même être capable de jurer comme un camionneur, elle était capable de trouver cela mélodieux. Sans qu’elle sans rende compte, les larmes coulèrent le long de ses joues, et un sourire s’inscrit sur son visage, aussi paradoxal que celui puisse paraître. Elle n’était plus en mesure de se contrôler, ni même la plus infime partie de son organisme. Et c’est à ce moment qu’il choisit de lui dire qu’elle lui avait manqué, petite phrase qui fit battre son petit cœur fragile encore plus vite, au point que celui-ci n’allait pas tarder à exploser.

Il fallait qu’elle se calme, car cette tachycardie soudaine n’était pas si bonne que cela et pouvait réellement lui causer un malaise si elle n’arrivait pas à retrouver un rythme cardiaque normal. Alors, elle ferma les yeux, quelques secondes, tout en ayant peur qu’il ne soit plus là lorsqu’elle les rouvrirait. Elizabeth se concentra au maximum pour inspirer et expirer correctement, ralentissant alors son pouls. Et après quelques instants, lorsque ce fut fait, elle rouvrit les yeux, pour le découvrir, toujours en face d’elle. Petit à petit, la surprise qui la paralysait s’effaça, et la jeune femme redevint au fur et à mesure maitresse de son corps. « Pince-moi. Dis-moi que je ne rêve pas, que je n’ai pas bu une seule goutte d’alcool qui me jouerait des tours, que je ne suis pas sous l’emprise de la moindre substance illicite avalée à mon insu. Prouve-moi que je ne suis pas folle, que mon esprit est totalement saint, et que tout ceci a véritablement lieu. Dis-moi que mon imagination ne me joue pas de tours, suite au manque que ton absence a laissé dans ma vie. Parce que tout ceci semblerait presque trop beau pour être vrai, et que je n’arrive toujours pas à y croire. » C’était sorti tout seul. Betsy ne s’était même pas rendu compte qu’elle était en train de parler à voix haute, et non de penser toute cette tirade. Pourtant elle l’avait fait, et elle avait vraiment du mal à croire qu’il était vraiment là, devant elle, après toutes ces années de séparations, et qu’elle lui avait manqué, peut-être tout autant qu’il lui avait manqué à elle. Mais si son pharynx était à présent capable de prononcer des mots, et de les associer les uns aux autres afin qu’ils aient un sens, ses jambes, elles, étaient toujours aussi immobiles. Elle avait envie de faire un pas vers lui, de le serrer dans ses bras, de lui caresser délicatement le visage, du bout des doigts, de sentir sa bouche contre la sienne. Mais tout ceci lui était encore interdit pour le moment. Tout du moins, la jeune femme ne s’en sentait pas capable. Il fallait y aller par étape, petit à petit. Pour être franche, elle ne remarqua qu’à présent que le jeune homme sentait l’alcool à plein nez. « Tu… Tu es saoul ? » lui demanda-t-elle tout à coup. Mais si elle s’en rendait compte, s’était que finalement, elle ne rêvait pas, non ?