► Il m'arrivait de boire mon jus d'orange à la petite cuillère.
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Quand elle est arrivée, l’aube n’était qu’une épave de nuit gâchée. A feindre de n’être sans entraves, à mimer la joie de l’ivresse sous les rires des feux de détresse qui ne s’éteignent jamais vraiment. Ce soir tu m’as vu autrement à cause d’un moment, une éclipse.
Je suis venu vers toi un jour où rien n’allait. Je suis venu vers toi parce que tu étais là. Tu m’as pendant longtemps demandé « pourquoi moi ? ». Je ne t’ai pas menti, je te l’ai toujours dit : parce que tu étais là. Après le premier jour, rien ne nous retenait, j’ai pensé « c’est assez » mais j’en redemandais. Tu m’as tendu les bras, j’ai senti que j’allais mieux quand tu étais là : enfin je revivais. Parce que tu étais là. Tu n’as jamais aimé le hasard, tu disais : « tout est écrit » et ça te déplaisait que je t’ai abordée parce que ça n’allait pas, que je me sois tourné vers toi juste parce que tu étais là. Et c’est vrai que tu n’as pas grand-chose à donner, à par dire « tu es là » que peut-on faire de toi ? Moi, ça me suffisait mais toi ça ne t’allait pas. C’était pourtant parfait, cet amour que j’avais… parce que tu étais là. Nous avons ri de voir la nuit nous chasser, de l’entendre courir après nous, essoufflée. Mais un instant, mon rire a dérapé et tu as vu ma peine des convictions qui s’effondrent. J’ai pendant longtemps cherché, celui qui après des erreurs, s’est transformé. Je ne l’ai plus retrouvé. Alors que nous sourions et faisions l’avion, soudain il s’est transformé. Je ne l’ai plus vu, son sourire sur le papier, semblait n’être qu’une blessure. Tu as continué à rire quand même et nous nous sommes perdus sur le champ.
Une ombre passait sur le mur au pied duquel je t’attendais, la main posée sur les blessures que n’importe qui m’avait fait. La veille quand je t’avais quitté, j’étais parti pour me mettre la mine dans des plans insensés que tu préférais ne pas connaitre. Tu m’as trainé jusqu’à chez nous, heureusement personne n’a rien vu. Tu as désinfecté mon genou et tu m’as au lit, je geignais et c’était comme un chant d’amour. Mais comment vas-tu faire pour me faire passer le goût du feu et revenir vers le bleu ? Le lendemain je t’ai promis que je ne recommencerai jamais. Comme d’habitude tu m’as souri et tu m’as dit que tu me croyais. Et le soir venu tu m’as vu ronger mon frein, tu me sentais, brûlant d’aller dire à la rue les quelques mots qu’elle attendait. Mais comment vas-tu faire pour me faire passer le goût du feu ? Comment vas-tu faire pour me ramener vers les îles d’enfance et d’arches suspendues, vers nous deux, glissant, tout graciles, sur nos vies comme sur un talus. Quand nos pensées ne faisait qu’un, le sommeil était l’ennemi. Nous ne connaissions pas la nuit, nous n’avions jamais vu la lune. Tu vas me chercher ce matin comme tant d’autres matins à venir. Tu es sûre que je ne suis pas loin et que je t’attends pour te dire que je ne recommencerai jamais et que je vais te laisser faire.
Dans le matin la brume fait place, les balcons s’ouvrent colorés ; toi tu prends la parole. Tu donnes des envies de plongées mais les grands fonds me sont refusés et tu m’ouvres des parasols. Hors, même en plein soleil, on est toujours loin du soleil. Tu me refuses les terrains inconnus mais… accepterais-tu d’oublier nos noms et nos visages ? De s’aimer dans un appartement où nous ne connaitrions rien l’un de l’autre, ni le nom, ni le visage. Tu sais que je veux te garder. Je vais en retrouver d’autres, des brunes, des blondes, découpées à même la brume mais tu sais que je veux te garder. Des baisers d’urgence, des corps de secours, j’en trouverai. Mais je veux te garder, encore.
Nous nous voyons dans les Hamptons, je devais t’aimais avec mon cœur pendant que j’en aimais d’autres avec mes mains. Tu as vu le roi tomber et le prince échoué sur la plage. Un prince qui indemne mais dont la peau des rêves est écorchés. Je ne demande pas la lumière, quelques lumières seulement. Longer le bord de la rivière calme et le retrouver, ce roi qui a trébuché. Et je te tiens la main, en longeant les rivières de janvier. Où Le soleil est moins pâle, le vent moins sidéral et l'eau est bleue. Bleu turquoise. L’aube est claire bien qu’elle reste une épave. Une nuit va tomber mais la nuit tout va bien. L’eau est bleue, bleue foncée et nous nous endormons. Près de nous, nous entendons couler, les rivières de janvier. Je suis là avec toi, j’étais là avec toi. Parce que ça n’allait pas.