Deux ans plus tard, alors que Menolly était au lycée, elle eut encore à faire à ce genre de moqueries. C’était pour dire combien la mentalité des jeunes était de plus en plus basse… Pitoyable, mais elle s’y faisait. « Comment va la fille des deux tapettes ? » Menolly s’arrêta net, écarquillant les yeux, avant de se retourner lentement vers cette voix masculine qui avait osé lui dire cela. Elle reconnut Stanley, un de ces types qui se la jouait gros dur, afin d’avoir une réputation. C’était martyriser ou l’être. Il avait choisit son camps. Elle voulut ouvrir la bouche pour répliquer, mais à ce moment là, quelqu’un s’interposa, et elle ne vit que le dos d’un autre adolescent. Surprise, elle ne réagit pas tout de suite, et eut du mal à comprendre. « T’as rien d’autre à faire Jones ? Sans rire, tu fais quoi de ta vie à part dormir en cours et t’en prendre aux autres dans le seul but qu’on te craigne ? » Cette voix lui disait quelque chose, mais Menolly n’en était pas sûre… D’ailleurs, elle trouvait cela étrange, comme improbable. « Depuis quand tu retournes ta chemise Logan ? J’croyais qu’on était potes ? » « Potes ? Tu plaisantes là ? On est seulement dans la même équipe de foot. Ca fait pas de nous des potes à ce que je sache. Et de toute façon, qui pourrait bien vouloir l’être avec toi hein ? » « Continue et je t’éclate la tronche… » « Tu sous-estimes mes capacités et surestimes les tiennes là. Allez, fiche le camp Jones, va voir ailleurs ! » Ledit Jones ne tarda étrangement pas à s’en aller, aussi étonnant que cela puisse paraître. Menolly, médusée, n’avait pas bougé. Elle n’était même pas sûre d’avoir continué à respirer durant cette discussion. Logan se retourna et la fixa droit dans les yeux. « Ca va ? » La jeune femme se décida alors à sortir de sa torpeur. « Bien sûr que ça va. Tu sais, j’suis assez grande pour me défendre toute seule ! » « Pardon, je n’voulais pas t’offenser. J’me suis simplement dit qu’en intervenant, t’aurais peut-être enfin la paix, tu vois ? » « Pourquoi t’as fais ça ? » « Peut-être simplement pour pouvoir te parler ? » Menolly haussa les sourcils. Le mec le plus canon et le plus envié du bahut était là, devant elle, après l’avoir défendue et fait disparaître la brute du bahut, et il venait de lui dire qu’il avait fait ça pour lui adresser la parole ? Ok, là, elle avait raté un épisode. « Quoi ? » « Ca te dirait de venir avec moi au bal de la Saint-Valentin la semaine prochaine ? » Là, elle devait avoir carrément manqué une saison entière, mais passons… « T’es sérieux ? » « Tu sais, si t’as pas envie, suffit de le dire hein… » « Non, c’est pas ça… J’en serais ravie. » « Parfait alors. » dit-il en souriant, et en s’éloignant d’elle. « J’passerais te chercher vers huit heures. » « D’accord » murmura-t-elle plus à elle-même qu’à lui, déjà loin dans le couloir.

« Maddie ? Tu sais pas la meilleure ! » « Laisse-moi deviner… Le geek du cours de maths a bavé devant tes seins ? C’est pas nouveau ça, tu sais ? » Instantanément, Menolly regarda sa poitrine, et imagina la scène tout en grimaçant. « Eurgh. Non ! Bien mieux que ça. » « Alors… » « Stop, je t’arrête tout de suite, essaye plus de deviner. C’est plus simple que j’te l’dise, non ? » « Effectivement… » « On est d’accord. Logan m’a invité au bal de la Saint-Valentin ! » Ladite Maddie, la meilleure amie de l’adolescente, recracha le contenu de son verre qu’elle venait de boire, le tout sur Menolly. « Charmant… Merci pour la douche » dit celle-ci en grimaçant. « Désolée, c’était le choc tu vois. » « Ca m’a fait le même effet, moins la boisson. » « Et t’as dis oui ? » « Pourquoi j’aurais dit non ? C’était gentiment proposé, et c’était ça, soit y aller seule, vu que tu as aussi un cavalier. » « M’en parle pas ! Josh est tellement… motivé… que ça me donnerait presque envie de ne pas y aller. » « C’est un mec, en même temps… » « Pas faux. » La sonnerie retentit, et les filles se rendirent en cours, mourant tout de même d’envie d’en discuter plus longuement. Mais en même temps, c’était normal, non ? Bref. Le reste de la semaine passa très vite, peut-être un peu trop même. Quoi qu’il en soit, Menolly s’était faite belle pour l’occasion, et il fallait bien avouer que Logan ne la laissait pas indifférente. Comment l’être, de toute façon ? Lorsqu’il vint la chercher, il rencontra bien évidemment ses deux pères, ainsi que sa petite sœur, tandis qu’elle était en train de finir de se préparer à l’étage. En réalité, elle était simplement nerveuse. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’était la première fois qu’elle sortait avec un garçon, et que, qui plus est, ce n’était pas n’importe lequel… Inutile de vous décrire les détails de la soirée. La seule chose à retenir, c’est qu’elle fut excellente. Menolly passa un très bon moment en compagnie de Logan, et cela semblait réciproque. Il l’avait ramené chez elle en fin de soirée, et étaient à présent sur le pallier. « Merci pour cette soirée. » Il hocha la tête d’un air entendu, et remarqua la présence de trois individus à la fenêtre du salon. « Euh, je crois qu’on nous observe… » Menolly se retourna, et d’un seul coup, tout le monde s’éloigna. « Plus maintenant » lui répondit-elle en souriant. « Plus maintenant » répéta-t-il en s’approchant d’elle afin de l’embrasser. Et c’est ainsi que leur histoire commença.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin, c’est bien connu, non ? Cette histoire n’échappa pas à la règle, même si elle aurait pu se terminer autrement, et sans doute mieux que cela… Un jour ou l’autre, même le meilleur des hommes devient un connard, ne croyez-vous pas ? Enfin bref. Ce soir-là, Menolly se rendait chez Logan, avec qui elle sortait depuis à présent huit mois, afin de lui faire une petite surprise. Elle avait acheté des places pour un match de foot que le jeune homme avait rudement envie de voir, et pensait les lui offrir. Devant la porte d’entrée, elle allait sonner, lorsque son regard fut attiré par du mouvement à l’intérieur de la vitre juste à côté, celle qui donnait sur le salon. Elle resta bouche bée devant la scène qui se déroulait sous ses yeux. Sa meilleure amie, Maddie, et son petit-ami étaient en train de fricoter ensemble. Ni d’une, ni de deux, elle entra dans la maison, sachant pertinemment que la porte était ouverte – manie du jeune homme, ou peut-être était-ce pour laisser entrer nombre de trainées ? Allez savoir. « Ca change des formes de Menolly, en tout cas. » La jeune femme s’arrêta net. Logan était-il en train d’insinuer qu’elle était grosse ? Cela suffisait, c’en était assez maintenant. « J’le crois pas ! » À peine avait-elle prononcé cette phrase que les deux autres s’immobilisèrent un instant, avant de s’empresser de se lever, et de s’arranger – en tout cas en ce qui concernait Maddie, qui était à demie nue. « Menolly... C’est pas ce que tu crois ! » « Pourquoi est-ce que tous les mecs se sentent obligés de dire ça à chaque fois qu’ils trompent leur copine ? Même dans les films ! » « Meno… » « Ne m’appelle plus jamais comme ça toi. Pour qui tu te prends à te taper mon petit-ami hein ? » « On a rien fait. » « Mais en plus vous me prenez pour une conne ?! Alors, c’est quoi votre excuse pour la capote utilisé à côté du tapis ? Hein ?! » « T’étais pas censé arriver dans une heure ? » La jeune femme écarquilla les yeux et ouvrit grand la bouche. « Parce que tu comptais coucher avec moi après avoir sauté cette trainée ? Alors ça c’est la meilleure. J’étais là pour t’offrir un truc, mais je suppose que je peux vous l’offrir à tous les deux maintenant. » Sur ce, elle envoya valser les deux places pour le match de foot devant eux. « Vous n’aurez qu’à y ailler tous les deux. Vous formerez un beau petit couple. » Menolly se retourna et fit quelques pas vers l’entrée avant de se retourner. « Oh, et si jamais vous ne l’aviez pas compris, je ne veux plus entendre parler de vous. » Finalement elle s’en alla, en claquant bien évidemment la porte derrière elle.

Un beau couteau dans le dos, voilà ce que cela lui avait fait. Comment sa meilleure amie avait pu lui faire ce coup là alors qu’elles se connaissaient et se côtoyaient depuis des années ? Et lui ? Comment avait-il put ? Menolly se dégoutait elle-même. Pourquoi n’avait-elle rien vu venir ? Depuis combien de temps ce petit manège durait-il d’ailleurs ? Et dire qu’elle était tombée amoureuse de lui, et qu’elle comptait bien le lui dire le soir même… L’adolescente s’en voulait de sa naïveté. En se regardant dans le miroir de sa salle de bain, le mascara tout dégoulinant sur son visage, son regard se posa sur le collier que Logan lui avait offert. Spontanément, sa main se leva et alla encercler le médaillon. Elle avait voulu tirer dessus et l’ôter, mais elle se ravisa bien vite. Garder ce collier, et le voir tous les jours, lui rappellerait l’erreur qu’elle avait commise, et qu’elle ne comptait plus faire. Ainsi, elle espérait se souvenir de ce qu’elle ressentait aujourd’hui, afin de ne plus être aussi vulnérable en tombant amoureuse d’un garçon. Ce collier lui rappellerait aussi combien il fallait se méfier des gens, et parfois même ceux que l’on ne soupçonne pas. Cette nuit-là, elle n’arriva pas à dormir, se sentant au plus mal, et ressassant la scène, et les paroles échangées, en boucle dans sa tête. Alors comme ça, elle était grosse ? N’importe quoi ! Elle avait des formes, mais c’était mieux que de ressembler à un tas d’os non ? Apparemment non, puisque c’était avec Maddie qu’il avait couché tout à l’heure… Finalement, elle s’endormit quelques heures, avant d’être réveillée par la sonnerie de son réveil afin de se préparer à aller en cours. Si cela n’avait tenu qu’à elle, elle aurait sans doute passé sa journée sous la couette… Mais elle n’avait pas le choix. Alors elle se leva et alla se préparer en essayant d’oublier tout ça, tout du moins, de le ranger dans un tiroir mental de son esprit, de le mettre de côté en somme. Lors du petit déjeuner, elle se goinfra, littéralement. Est-ce qu’elle mourrait de faim ? Non, pas franchement, mais elle rabattait sa peine sur la nourriture. Bien évidemment, après avoir englouti autant de nourriture, la demoiselle se précipita aux toilettes. Et c’est ainsi que commença son anorexie/boulimie. Merci Logan, merci Maddie.