Quelques années plus tard, Menolly, plus ou moins guérie de son anorexie ainsi que de sa boulimie, grâce à une thérapie, entra à la fac. Elle avait décidé d’étudier le journalisme. En réalité, tout le monde avait pensé qu’elle se dirigerait plus vers le stylisme, mais, à cette période de sa vie, l’inspiration c’en était allée. Elle n’avait plus créé le moindre vêtement depuis l’histoire avec Logan et Maddie. Du coup, elle avait opté pour le journalisme, se voyant bien rédactrice pour un magazine, ou quelque chose dans le genre. Le jour de son entrée en fac, elle alla se renseigner pour connaitre sa chambre, et on lui annonça qu’elle n’en avait pas… « Pardon ?! » « Mlle Weaver, vous avez sans doute oublié de poster le formulaire, ou d’en faire la demande. » « C’est impossible, je me souviens du jour où je l’ai fait, et du jour où je l’ai envoyé ! » « Je suis désolée, je ne peux rien faire pour vous. » Bien énervée, la jeune femme se fit violence pour ne pas lui dire ses quatre vérités, et tira ses valises jusqu’à dehors, où elle s’installa sur une marche, en se laissant aller à pleurer. Non, dernièrement sa vie n’avait pas été très simple… « Hey, est-ce que tout va bien ? » La jeune femme ne se sentit pas tout de suite concernée, mais après quelques minutes elle comprit que la question lui était destinée, et releva péniblement la tête, tandis qu’il s’installa à côté d’elle. « Non, rien ne va » répondit-elle en soupirant. Et effectivement, rien n’allait. « Je n’ai apparemment pas de chambre, alors que je suis sûre d’avoir envoyé les papiers pour. Et je ne sais pas quoi faire… » « Oh ! Si ça peut te rassurer, tu n’es pas la première à qui ça arrive. Tu sais, l’administration, c’est un gros bordel. » Menolly ne put s’empêcher de sourire à cette remarque. « J’ai un appart pas très loin du campus, et ça tombe bien, je recherche un coloc. » « Vraiment ? » Il hocha la tête en guise de réponse. Menolly n’était pas sûre que c’était une excellente idée, mais au point où elle en était, c’était mieux que rien, et puis, il avait l’air gentil. « Tu crois que ça pourrait t’intéresser ? » « Je crois que oui. » Qu’avait-elle à perdre de toute façon ? Rien. « Au fait, moi c’est Ted. » « Ted ? Vraiment ? » « Non, j’ai un humour foireux, je dois l’admettre. » Cette fois-ci, le sourire laissa place au rire. « En réalité, je m’appelle Ethan, et j’te jure que c’est mon vrai nom. » « Ca te va mieux que Ted en tout cas. Moi c’est Menolly. » « Menolly ? C’est plutôt original, mais dans le bon sens hein ! » « Ravie de te rencontrer en tout cas. » « Moi de même. Et si j’allais te faire visiter mon appart ? » « Vendu ! »

Et c’est ainsi que débuta une belle amitié. La jeune femme avait bien sûr accepté d’être la colocataire d’Ethan, et ils s’étaient tout de suite bien entendu. Oh bien sûr, la cohabitation n’avait pas été facile au début, vu qu’ils ne se connaissaient pas plus que ça, sans compter qu’ils étaient de sexe opposés. Du coup, il leur avait fallu du temps, pour connaitre les habitudes de l’autre, ses manies, ses moments d’intimité, son emploi du temps, et tout ce qui en résultait. Mais plus le temps passait, plus la cohabitation était sympathique. En réalité, ces deux là s’entendaient à merveille. Et quand ils n’étaient pas trop occupés à réviser leurs cours, ils adoraient passer du temps ensemble, tantôt chez eux, tantôt dehors. Menolly lui faisait entièrement confiance, et elle avait bien fait de tenter l’aventure de cette cohabitation proposée dès leur première rencontre, puisqu’ils n’étaient plus de simples colocataires, mais de vrais amis à présent. Elle lui avait raconté sa vie, les moqueries et remarques à propos de ses pères homosexuels, son anorexie et sa boulimie, dont elle était plus ou moins guérie car au moindre stress il lui arrivait encore d’avoir des rapports conflictuels avec la nourriture. Ethan était devenu au fil du temps le meilleur ami qu’elle n’avait jamais eu. Et toutes ses réticences envers les hommes, et les liens d’amitié ou d’amour en général, avaient disparues en un rien de temps. Leur rencontre lui avait redonné espoir, en quelques sortes, et chaque jour, elle le remerciait mentalement de tout l’aide qu’il lui avait offerte, consciemment ou non. Après tout, où serait-elle aujourd’hui s’il n’avait pas été là ? Déjà, si elle ne l’avait pas rencontré, elle aurait été dans la merde quant à son logement. Et rien que pour ça, elle lui était redevable. Leur cohabitation dura jusqu’à la fin de leurs études respectives, et même plus, vue que même diplômés, ils partageaient toujours le même appartement. En réalité, Menolly attendait simplement d’avoir un boulot, et donc une entrée de salaire pour se permettre de déménager. Ce n’était pas qu’elle ne voulait plus vivre avec Ethan, ou qu’il l’agaçait, ni quoi que ce soit de ce genre. Non, elle avait envie d’un chez elle, rien qu’à elle. Elle eut un peu de mal à trouver un emploi ; enchainant les entretiens qui n’aboutissent pas, mais finalement, et malgré que la tâche s’était avérée plus dure que ce qu’elle avait imaginé précédemment, elle trouva un emploi dans un magazine de mode. Bien sûr, en bas de l’échelle. Cela allait de soi. Mais les défis ne lui faisaient pas peur, et elle allait leur montrer ce qu’elle valait. Un peu comme dans Le diable s’habille en Prada, finalement. Elle se félicita d’avoir lu le livre et vu le film avec les sublimes Anne Hathaway et Meryl Streep. Et c’est six moi après avoir été embauchée que la jeune femme déménagea. La présence quotidienne d’Ethan lui manquerait, mais il était temps qu’ils aient tous les deux plus d’espace, plus d’intimité. Ils le savaient. Même si ils ne vivaient plus ensembles, cela ne voulait pas dire non plus qu’ils ne se verraient plus, loin de là. Ethan était la meilleure chose qui lui soit arrivé jusqu’ici. Aucun risque, donc, qu’elle ne le laisse filer.

[...]

Menolly avait à présent tout pour être heureuse ; un job qui lui plaisait, après avoir gravit les échelons, et avoir ainsi prouvé ce dont elle était capable ; un appartement sympathique où elle se sentait bien ; un meilleur ami toujours là pour elle et avec qui elle adorait passer du temps ; un salaire plutôt bon ; de bonnes relations avec sa famille. Bref, tout pour être heureuse lorsqu’on a décidé de ne plus rien attendre de l’amour, non ? Mais il faut toujours que cela change quand tout semble aller pour le mieux. Cela avait commencé par de nombreuses fatigues, symptôme on ne peut plus handicapant d’ailleurs. Puis, il y avait eut ses troubles de la vision. Elle avait commencé à voir flou, et au moindre mouvement d’œil, une douleur la tiraillait. « Tu te sens bien ? » Ethan était toujours aussi adorable, et depuis qu’elle lui avait parlé de sa santé qui déraillait un peu, il s’inquiétait pour elle. « Oui » répondit-elle en clignant sans arrêt des yeux. « J’ai combien de doigts là ? » Sa vision était une nouvelle fois floue, et Menolly ne comptait pas jouer à ce petit jeu avec lui. Elle se concentra, et lui donna une tape sur la main. « Je t’ai déjà dis que c’était le stress du boulot. Tu sais, j’ai pas une minute à moi. Hier, je n’ai même pas eu le temps d’aller aux toilettes, c’est pour dire. » « Ouais, bah c’est pas franchement normal ça. » « Mais qu’est-ce que la normalité mon cher ? » Répliqua-t-elle sur un petit ton provocateur. « Mon job me plait, c’est l’essentiel non ? » « Si tu veux te tuer au travail, ouais. » « Mais relax, je vais bien. » La jeune femme eut l’impression de recevoir une décharge électrique. Une punition pour son mensonge ? Un signal d’alarme ? Elle aurait dû s’en inquiéter, mais elle ne le voulait pas. Alors, elle ignora cette impression, tout simplement. En revanche, lorsqu’elle réalisa que cette impression de décharge revenait régulièrement ce même jour, elle considéra avec un peu plus d’attention la chose. « Est-ce que ça va ? T’as l’air bizarre tu sais ? » Face à la nouvelle tentative de son meilleur ami, Menolly soupira, leva les yeux au ciel et lâcha prise. « Ok, t’as gagné. Je suis fatiguée, mes yeux me jouent des tours, et j’ai comme des décharges électriques… Mais c’est lié au surmenage, je t’assure » « Mouais, je pense que tu devrais consulter. » « Comme si j’avais que ça à faire… » « Aujourd’hui ? Oui ! Allez, on se lève, et on y va. » « Pardon ?! » « T’as très bien compris. On va chez le médecin. » Face à sa mine on ne peut plus sérieuse, la jeune femme n’eut d’autre choix que d’accepter.

[...]

Quelques minutes plus tard, en sortant de la salle de bain, cette fois-ci habillée, elle retourna dans la chambre et vit Ethan réveillé. « Est-ce qu’on a… » Une gêne s’installa. « Je crois bien. » dit-elle en baissant les yeux et en découvrant un intérêt soudain pour son parquet. « Tu te souviens de quelque chose ? » « Pas du tout… » Comme quoi l’alcool n’était pas bon pour la santé… « On oublie tout ça d’accord. On ne s’en souvient même plus, et ce n’était rien, n’est-ce pas ? Juste une connerie entre deux amis ayant extrêmement trop bu, alors, pas besoin d’en faire tout un plat, hein ? » Sa voix manquait d’assurance, elle s’en était rendue compte, mais en même temps comment le contraire aurait-il été possible ? Il lui avait toujours plu, et malgré ses nombreuses paniques et réticences, elle ne pouvait s’empêcher d’être attirée par lui. De son côté, c’était d’ailleurs la même chose, même s’il ne le lui avait jamais fait clairement comprendre. « Tu as raison. » dit-il dans un murmure. Est-ce qu’il le pensait ? Apparemment non, mais Menolly ne fit pas plus attention que cela. « Parfait. Je vais nous préparer un truc à manger pendant que tu t’habilles. Et dès que tu seras sortit de ma chambre, on en parlera plus. » Et sur ce, elle alla effectivement dans la cuisine. Il lui semblait qu’Ethan était resté longtemps dans cette chambre, comme s’il n’avait pas voulu en sortir, comme s’il n’avait pas voulu oublier ce qu’il s’était passé, car au fond, alcool ou pas, cela avait été une simple traduction de leurs envies mutuelles. Mais elle secoua rapidement la tête et chassa cette pensée de son esprit. « Tu dérailles ma pauvre. La SEP a déjà atteint ton cerveau… » se murmura-t-elle pour elle-même.