► Luke est le second d'une famille de garçons. Son père est décédé quand il avait six ans, et il a été éduqué par son frère aîné, Adam, sa mère se révélant trop débordée par l'éducation de trois enfants turbulents. Il ne s'est jamais entendu avec son cadet, Sean, jugeant que celui-ci faisait n'importe quoi et fichait sa vie en l'air. Leurs relations ayant toujours été en dents de scie, il n'a que peu de contacts avec Sean depuis son départ de la maison alors que celui-ci avait seize ans. Lui-même vit à Saint-Louis, à une heure et demi de voiture de son village natal, où sa mère vit encore.
Le frère aîné de Luke, Adam, est décédé il y a trois ans d'un cancer dont il n'a dit mot à personne, vivant loin de sa famille pour échapper aux disputes incessantes. Sa mort a rapproché Sean et Luke, sans en faire non plus les meilleurs amis du monde. Luke se sent très coupable par rapport à cette mort, rejetant également la faute sur son autre frère.

► D'une nature sportive, il est également coach de l'équipe junior de baseball de St Louis. Il aurait aimé devenir joueur professionnel, mais son petit frère a toujours plus été plus doué que lui. Il est très protecteur envers ses joueurs, se retrouvant un peu en eux.

► Il éprouve une peur phobique des clowns depuis que sa mère a jugé utile d'engager le voisin pour jouer les clowns d'anniversaire … le mauvais jour. Son voisin étant du genre répugnant et peu aimable, et le costume de clown qui est resté des semaines dans la penderie a fini de le lui faire détester. Il évite généralement de confesser cette peur, ayant conscience qu'elle est ridicule. Chose amusante, c'est une phobie qu'il partage avec son petit frère.

► Il a eu deux longues relations avec des filles : une fois au lycée, qui s'est achevée quand la demoiselle est partie pour l'université d'un autre État, et une fois alors qu'il venait de s'installer dans son propre appartement. Il prévoyait de demander la donzelle en mariage, mais leurs relations se dégradant trop vite, ils ont jugé préférable de se séparer.

► Luke est quelqu'un d'assez simple. Il n'est pas allé à l'université, et préfère les gens abordables, qui ne se montrent ni arrogants ni condescendants. Il a horreur des filles pénibles, des chieuses, des demoiselles qui prennent la tête, et déteste qu'on s'en prenne à lui pour des choses auxquelles il ne peut rien. Quand il a du temps libre, il aime retaper une ruine maison délabrée dans laquelle il espère habiter un jour. Quand il s'imagine dans le futur, c'est marié, avec des enfants et un chien ; en somme, la vie de famille qu'il n'a pas pu avoir. Il prend ce rêve très au sérieux et évite tout contact avec ceux qui méprisent ses ambitions.

Trois personnes dans une voiture. Trois rêves esseulés, trois chemins séparés, et trois misérables semaines pour faire semblant que rien, jamais, ne se soit passé. Trois sourires francs, pour quelques jours où plus personne n'a plus rien à prétendre, devant des paysages lointains. Ils auraient préféré un endroit inconnu, mais il aimait cette ville, il aimait la mer, et eux l'aimaient, chacun à leur manière, comme des fous.
Elle a l'air songeur des étendues vierges, les cheveux en pétard et le poids des extrêmes qui l'ont finalement rattrapée. De la beauté enfuie d'Hannah, il ne reste qu'une fille terriblement triste, aux yeux humides et aux rêves brisés au détour d'une route. Des excès, de la folie et de la liberté, elle ne conserve que regrets et souvenirs épars, aux reflets des jours heureux. Elle a aimé, désespérément, à la folie, démesurément, et a pleuré à chaque instant depuis qu'il n'est plus là.
Sean a l'air mal à l'aise, comme si retourner sur les chemins du passé était un chemin trop dangereux. Il arbore l'air épuisé de ceux qui ont traversé le pire, de ceux qui ont traversé les pires déserts et ont marché sur des flammes avant d'enfin atteindre le pays de non-retour, ce pays dont on ne revient pas. Il ne sera plus jamais indemne ; il en a trop vu, trop fait, il a fait subir les pires horreurs à ceux qui l'aimaient. Il en est revenu, pourtant, et il sait qu'à la sortie de ce pèlerinage, quand il aura remonté les chemins de la tristesse jusqu'à la source, il se sentira neuf à nouveau, comme s'il avait pu expier.
Et lui, il conduit. Il a les tripes nouées, envie de pleurer, il voudrait hurler. Il n'est jamais allé aussi loin, et tout en lui crie qu'il est en train de commettre une erreur. Que celui qui leur manque est parti et qu'il n'y a aucun endroit sur terre où ils puissent se sentir mieux. Qu'ils sont déjà allés trop loin, que les mots qui ne devraient jamais être prononcés ont été entendus, et que rien ne réparera jamais la faille béante de leurs trois cœurs.
Un amour, un ami, un frère. Pas forcément dans cet ordre-là. Luke lui-même est confus, dans le trou dans sa poitrine est grand, tant la vie est injuste et tant il a l'impression que le monde ne tourne plus ; du moins plus rond. Il est perdu, ils sont perdus. La route qui mène à Vancouver leur semble un chemin de croix, de rédemption et d'espoir. Comme si là-bas, ils allaient retrouver un bout d'eux-mêmes, comme des souvenirs accrochés aux murs d'un complexe de vacances, comme s'il y avait laissé son empreinte. Comme s'ils allaient le retrouver au détour d'un couloir. Comme s'il allait pouvoir les pardonner de ne pas s'être entendus, de s'être comportés comme des gamins, de ne pas pouvoir faire la paix et de toujours vouloir s’entre-tuer. Ils ne savent rien faire d'autre, bien sûr, c'est ainsi qu'ils ont grandi, trois garçons ballottés, toujours sur la défensive, toujours prêts à en découdre. Ils espèrent que quelque part, découvrir l'endroit qu'Adam avait tant aimé les aidera à accepter l'idée qu'ils n'auront pas pu lui montrer combien ils sont sages, désormais. Hannah aurait voulu lui montrer qu'un jour ils auraient pu avoir quelque chose, quelque chose à eux, des enfants, une maison, le bonheur. Comme si en arrivant là-bas, il allait les accueillir avec quelques mots de remontrance avant de sourire.

Ça n'arrivera pas, bien sûr. Mais ils trouveront la paix, chacun à leur façon. Trouveront les mots qui leur manquaient, purgeront leur peine et repartiront lessivés, prêt à affronter le monde, lavés de tous regrets. Hannah trouvera le courage de retourner chez elle, d'affronter sa famille et d'en construire une nouvelle. Elle appréciera les plaisirs simples d'un cri d'enfant, elle pleurera sur l'épaule de sa mère et se sentira enfin libre des erreurs de jeunesse. Sean trouvera enfin le pardon, se débarrassera des doutes qui le rongeaient. Il sortira de l'océan comme un nouveau-né tout juste béni, prêt à faire ce dont il a toujours eu envie. Ils continueront de se battre et de ne rien avoir en commun. Ils continueront de s'insulter lors des réunions de famille. Et dans leurs regards, les fantômes se seront évanouis, et ils souriront parfois, puisqu'ils sont frères et qu'ils ont partagé des choses que personne ne peut comprendre.
Luke retournera chez lui. Il mettra fin à une relation qui le rongeait, il abandonnera ses doutes et se mettra, enfin à reconstruire la maison qu'il peint en pensée, planche par planche, arbre par arbre, en attendant de l'habiter et de commencer, enfin, le nouveau chapitre.
Et quand on lui demandera des nouvelles de ses frères, il fera simplement la moue, avant d'expliquer le décès d'Adam, la distance, la douleur, la culpabilité, et tout ça qui s'évanouit dans un grand moment de soulagement. Il se sentira heureux à l'idée de retourner sur la route, sur leur route, pour partager encore un peu d'Adam avec ceux qui tenaient à lui.