► C’est parce que j’ai toujours voulu voir ma mère enceinte que je suis devenue sage femme. Au moins, à défaut de celle de ma mère, j’allais suivre les grossesses de dizaines de femmes. Ca peut paraître un peu cliché mais je trouve que c’est réellement le plus beau métier du monde.
► J’ai du tombé amoureuse des dizaines et des dizaines de fois dans ma vie. Mais mon véritable amour fut tout de même John. Que j’aime toujours quelque part d’ailleurs.. Enfin je ne sais pas si on peut dire aimer un homme mort. Putain ça fait mal de dire ça.
► Vous l’aurez compris, mon mari est décédé il y a quelques mois. Avant ce drame, j’étais le genre de fille toujours souriante et pleine de vie, j’étais vraiment heureuse quoi. Mais aujourd’hui, je n’ai plus du tout envie de m’amuser ou de rire sans lui, je ne vois pas l’intérêt. Alors je pleure pour un rien, je deviens colérique, je me mets à fumer et boire parce qu’il parait que ça permet d’oublier et je suis désagréable avec tout le monde. Je sais que jfais n’importe quoi en ce moment, mais c’est comme ça j’y peux rien.
► C’était avec mon mari que je devais partir à Vancouver, j’étais tellement joyeuse le jour où j’avais appris que ‘avais gagné ce voyage ! Joie de courte durée, malheureusement. Enfin même si j’avais mainte fois essayé de déchirer le billet d’avion et de ne pas partir, ma mère m’a carrément forcé d’y aller quand même. Seule. Lente déprime, quand tu nous tiens..
► J'habite aujourd'hui avec mes parents pour ne pas rester seule dans une maison qui me rappelait trop de souvenirs, mais ma relation avec eux est réellement tendue. Ils ne me comprennent pas et ma mère aimerait que je bouge et que je recontre quelqu'un d'autre. Le truc c'est qu'ils ne sont pas dans ma tête. Enfin à part ça, tout va bien..

« Dis Maman, c’est quand que j’aurai une petite soeur ? » Je regardai ma mere avec des grands yeux innocents, faisant mine de ne pas savoir que la réponse à cette question m’avait déjà été donnée des dizaines et des dizaines de fois. En même temps, j’étais plutôt déterminée à l’époque, je voulais à tout prix voir ma mère enceinte. Pas forcément avoir le bébé enceinte, mais suivre sa grossesse, pouvoir sentir le bébé dans son ventre, tout ça me fascinait. Malheureusement, je n’avais encore jamais pu réellement en faire l’expérience, à part avec la mère d’une de mes amies de l’époque. « Je te l’ai déjà expliqué ma puce, maman ne peut plus avoir d’enfant. » Ca à l’époque, je ne pouvais pas vraiment le comprendre. Aujourd’hui je savais, bien sur, que si elle n’avait eu que moi, ce n’était pas car elle avait détesté la maternité, c’est juste car après son cancer du sein, elle avait été dans l’incapacité d’en refaire un. Ou elle n’avait pas voulu. Enfin en tout cas elle n’avait plus eu la tête à ça, chose que je pouvais comprendre. « Ah oui c’est vrai ! » Le petit sourire d’espoir qui était dessiné à cette époque sur mon visage avait bien vite disparu. Mais je ne faisais aucune crise ou aucune colère car ça n’avait jamais été mon genre. Enfin maintenant si mais ça…C’est une autre histoire.

« Si tu devais me classer sur une échelle de un à dix, tu me situerais où ? » Je regardai John, un sourire malicieux aux lèvres. Il n’avait pas beaucoup de chance de répondre juste à cette question. Après tout s’il me donnait le maximum de point, je saurais qu’il voulait juste me flatter et s’il disait une vérité un peu trop crue, je risquais de bien mal le prendre. Et il le savait parce qu’il me connaissait. Je le vis lever les yeux au ciel, comme si je lui avais demandé une chose totalement idiote et sans intérêt. Il se leva, pris mon visage entre ses mains et m’embrassa passionnément. Je le poussai dans le lit, de façon à ce qu’il tombe et s’allonge puis m’assis au dessus de lui. « Dois-je prendre ce baiser comme un dix ou un cinq sur dix ? » Il releva les yeux au ciel et m’attira contre lui pour me ré-embrassai. J’étais définitivement trop faible avec lui. C’était le premier homme avec qui je me sentais comme ça. Si heureuse, si épanouie, si..Je ne sais pas, j’étais bien, vraiment. Pourtant c’était pas la première fois que j’étais amoureuse, mais je ressentais vraiment quelque chose de plus, de nouveau, d’inexplicable. J’étais attirée par lui comme par un aimant. J’avais besoin de sentir son corps contre le mien. J’avais besoin qu’il me dise qu’il m’aime, qu’il me dise que j’étais parfaite à ses yeux. Pourquoi ? Tout simplement car je ne supporterai pas de le perdre. « Zéro ? Sincèrement ? Si tu ne me réponds pas je vais y croire hein chéri. » Il me fit basculer et se plaça au dessus de moi, passant ses mains dans mes cheveux pour les écartai de mes yeux et approcha son visage du mien. « Ca voulait juste dire que ton échelle n’aura jamais assez de barreaux pour dire à quel point tu es magnifique et à quel point je t’aime. » C’était comme s’il avait lu en moi, comme s’il savait exactement ce qu’il devait me répondre pour me combler. Je l’aimais, je l’aimais, je l’aimais.

« Ma puce tu es tellement belle ! » Je tournai sur moi-même, faisant virevolter ma longue robe blanche, un immense sourire accroché à mes lèvres. Elle me prit entre ses bras et me serra comme elle ne m’avait jamais serré. Je savais qu’elle me voyait encore comme sa petite fille, comme celle qui courrait dans le jardin à la recherche des œufs de Pâques ou qui venait lui rapportait des fleurs à la fête des mères. Et pourtant elle devait bien se rendre à l’évidence : j’avais grandi. Ma petite robe à fleur était devenue une longue traîne blanche. J’allais me marier. Avec l’homme le plus formidable que je n’avais jamais rencontré. J’étais totalement folle de lui. Il était totalement fou de moi. Cette cérémonie allait être la plus belle de toute ma vie. Le long tapis rouge, les longues paroles du prêtes, l’échange des anneaux, les applaudissements des amis et de la famille. « Et je promets de te chérir, de t’aimer pour le meilleur et pour le pire. » Et cette phrase qui parait totalement kitch en la disant comme ça m’avait donné sur le coup tellement de frisson. C’était juste tout ce que je voulais entendre, tout ce que je voulais savoir. Je savais que, sorti de sa bouche, ce n’était pas des paroles en l’air, ce n’était pas juste les vœux que tous les mariés faisaient. C’était les siens. Vous pouvez embrasser la mariée. Baiser final. Jour parfait. C’est pas une connerie quand on dit que c’est le plus beau jour d’une vie.

« Et on l’appellera Louhàn, autant pour une fille que pour un ptit mec. » Je souris en attrapant mon manteau pour sortir un peu et prendre l’air. J’avais dix minutes de pause avant de reprendre mon boulot et comme à chaque pause, j’appelais mon chéri pour savoir ce qu’il faisait. Enfin pas tous les jours hein, mais il était en déplacement alors il me manquait. Ca faisait une semaine que je ne l’avais pas vu, et c’était tout juste le temps pour que je comprenne que j’avais envie d’avoir un enfant de lui. Je lui avais glissé ça comme ça dans la conversation et apparemment il le prenait vraiment bien. Faudra que je lui en reparle en face et que je joue de mes charmes pour que tout cela fonctionne. « Et pourquoi pas Chuck ? » Je l’entendais rire au bout du fil. Ca pouvait paraître étrange comme prénom mixte, effectivement. . « J’ai entendu ça aujourd’hui ! Une maman qui appelait sa petite fille Chuck, et j’ai trouvé ça sympa. Un ptit côté garçon manqué, c’est mignon nan ? » Enfin on avait encore le temps pour trouver le nom de nos enfants, mais c’était toujours important d’en parler, et puis ça me faisait rêver un peu. C’est pas parce qu’il parlait de ça qu’il en avait vraiment envie, juste, il savait que ça me plaisait et que j’avais envie de le revoir alors il n’allait pas me contrarier. « Un ptit côté garçon manqué ? Si la demoiselle te ressemble, elle aura rien d’un mec hein ! Jconnais pas plus femme que toi ma ché.. » BOUM. Un bruit sourd, Des grincements de freins. « John ? éoh ? JOHN ?! » Plus rien du tout. Je cherchai des yeux une solution. Je ne comprenais pas. Que venait il de se passer ? Je rappelais. Messagerie. Le téléphone était mort. Ou alors il ne voulait plus répondre mais ça c’était impossible. Sur trois ans de vie ensemble, il ne m’avait jamais mis de vent. La peur monta en moi. Il était en voiture. Les freins avaient grincé. Le portable était cassé. MERDE. MERDE. MERDE.

« Allez debout ma puce ! » Je grognai et me recroquevillé sous ma coquette. J’avais froid. Je posai une main à ma droite, cherchant le contact de John. Mon bras tomba sur un oreiller vide. Putain c’est vrai. Il est mort. Tous les matins depuis trois mois, j’ai cette réalité qui m’éclate à la figure. TOUS LES MATINS. Ca fait juste mal. Ca donne juste envie de jamais se lever, de rester là, de bouffer la couette et de s’étouffer avec. Je peux pas être heureuse sans que ses bras me serrent contre lui. Je peux pas être heureuse en entendant ma mère me réveillait le matin. Je suis plus une gamine. Je n’ai plus quinze ans non plus. « J’ai pas envie de me lever. » A la mort de John, je n’avais pas réussi à rester dans notre maison. Ca me rappelait trop de souvenir, ça me faisait trop mal. Du coup j’étais retournée à Saint Louis, habitée chez mes parents. A vingt cinq ans je sais que c’est pathétique. Mais je ne veux pas être seule. Je ne PEUX pas être seule. « C’est tous les jours la même chose chérie, allez lève toi, bouge un peu ! Ca fait trois mois ! » Je me levai d’un bond en lui lançant un regard noir. Comment pouvait elle me dire ça ? Savait elle seulement ce que ça faisait de perdre l’homme qu’on aime ? De voir tous ses rêves se briser du jour au lendemain ? Papa était toujours là pour elle. Elle pouvait pas comprendre. . « Trois mois que mon mari est mort. Effectivement oui. Et tu crois quoi ? Qu’au bout de trois moi je peux l’oublier et m’amuser ? Que jpeux être heureuse et faire comme ci de rien était ? » J’aimais ma mère comme une folle, et j’avais une certaine complicité avec elle. Mais le fait est qu’actuellement, enfin depuis trois mois, je n’arrivais plus à la supporter, ni elle ni personne d’ailleurs. « Et bien je.. » Je la coupai immédiatement, voulant éviter d’entendre les conneries qu’elle avait à me dire. Je savais ce que je ressentais. Je savais ce que j’avais perdu. « Et bien non je ne peux pas ! Et dieu sait comme j’aimerai pouvoir pourtant ! Tu sais, appuyer sur la touche effacer et passer à autre chose ! Mais je suis pas un ordinateur, j’ai pas cette touche là chez moi. Maintenant je pense pas que tu puisses comprendre quoi que ce soit là dedans. Alors si j’ai envie de dormir toute la journée, à l’avenir laisse moi d’accord ? » Je la vis tourner les talons et claquer la porte de ma chambre. J’y avais peut être été un peu fort.

« Un chalet deux personnes au nom de Bluedell c’est cela ? » Je levai les yeux vers le réceptionniste. Bon. Je n’allais peut être pas commencer à lui raconter ma vie. Bluedell était le nom de John, Sheeran mon nom de jeune fille que j’avais repris depuis peu. Enfin voilà quoi, j’avais moyennement envie de lui dire que mon mari était mort alors que nous parlions du prénom de notre futur gosse. « C’est ça oui, mais mon mari ne pourra pas venir. Il a eu un…Disons un empêchement. » Je retins la larme qui allait se mettre à couler le long de ma joue et attrapai les clés. Chalet deux personnes. J’allais bien me sentir seule là dedans. Je regrettai déjà d’être venue…