► Elle a un accent de snob quand elle parle.
► Elle a des tâches de rousseur plein la face et déteste qu’on le lui fasse remarquer.
► Elle est cacophobe, les personnes laides l’effraient.
► Elle a sucé un professeur pour passé en deuxième année.
► Elle a un vrai don pour la danse.

« Nous ne descendons pas
des rois mais les rois
descendent de nous »

Telle est la devise du clan des O’Connor de Kerry, mais aussi le souvenir le plus ancien que Lolly conserve de son enfance. L’enfant de cinq ans apprenant encore à lire qu’elle était avait doucement glissé le bout de ses doigts contre la phrase gravée en vieil Irlandais dans les dorures d’un massif coffre de bois. Elle n’en comprenait pas encore parfaitement le sens, ni toutes les implications ; mais était pourtant déjà fascinée. C’était alors que, dans un geste trop longtemps contenu, sa sœur jumelle Elora était venue l’arracher à sa contemplation en ouvrant sans précaution la pièce de menuiserie, décollant un épais tapis de poussière qui les fit toussoter en riant… Incroyablement complices à l’époque, elles passèrent toute l’après-midi cachées ensemble dans le grenier du vieux manoir du comté de Clare dans lequel elles avaient grandi. Elles se déguisaient, comme toutes les petites filles de cet âge aiment le faire ; Elora en un aventureux chevalier et Lolly en élégante princesse, et simplement, elles s’étaient mariées se jurant fidélité pour la vie.

Elles n’avaient alors pas conscience du caractère éphémère de la vie, ni de l’insouciance de l’amour qu’elles éprouvaient l’une pour l’autre. Et ce fut leur éducation qui acheva de les séparer. Leur père, régnant sur l’empire des cosmétiques, était constamment occupé en voyage d’affaires entre Bangkok et Hong-Kong et leur mère qui les éduqua d’une main de fer était d’avantage obsédée par l’idée de leur inculquer les valeurs se rattachant à la noblesse de leur sang que de vraies valeurs à proprement parler.

Véritablement coupée de la réalité du monde, l’école ne leur a pas même permis de remettre cette philosophie élitiste en cause puisque, jusqu’à leurs onze ans, c’est à la maison qu’elles ont reçu les enseignements primaires, de la bouche de précepteurs reconnus dans le beau monde. Et les deux brunettes aux grands yeux verts commencèrent bien vite à révéler leur différence. Là où Lolly écoutait les paroles de ses professeurs et les recommandations de sa mère comme des paroles d’Evangile, Elora passait son temps à en rire, son caractère insoumis et provocateur s’exprimant déjà. Elle prenait plaisir à jouer secrètement avec Oliver, le fils de leur nanny dans le jardin les quelques fois où celle-ci n’avait d’autre choix que de l’emmener à son travail, et Lolly se refusant même à parler à cet être inférieur, ce fut naturellement qu’Elora la délaissa.

Alors Lolly travaillait deux fois plus. Et pourtant, Elora étant de ces autodidactes avec une intelligence innée, elle était toujours celle qui récoltait les lauriers, faisait la fierté de leurs parents et ce fut toujours avec un regard bienveillant qu’on lui pardonna ce que sa mère aimait alors appeler « ses friponneries ». Un jour où Mrs O'Connor trouva Lolly en train de pleurer, seule et inconsolable, hurlant et en prise à une véritable crise d’angoisse ; elle avait simplement déposé sa main sur son front fiévreux, son instinct maternel pourtant bravement dissimulé se révélant, elle lui avait demandé ce qui causait sa peine ; et honteuse, non pas de son affreux mensonge mais de ce qu’elle ressentait au fond de son cœur, elle avait simplement articulé, haletante qu’Oliver lui avait fait des choses… de très vilaines choses. Ce fut ainsi que sa première nanny fut virée et qu’elle commença à perdre Elora qui, la connaissant par cœur et sachant pertinemment distinguer dans les propos de sa sœur entre ce qui est sincère et les mensonges professés, ne le lui pardonna pas. Pourtant, il n’avait s’agit là que de son premier écart… mais non pas de son dernier. Depuis, Lolly a bien plus souvent menti que dit la vérité.

Le fossé entre les deux sœurs acheva de se creuser lorsqu’elles furent envoyées dans une prestigieuse public school, Lolly se créa bien vite un cercle d’amis parmi de jeunes esprits aussi peu scrupuleux que le sien. Et, Elora qui préférait de loin sécher pour traîner avec les pauvres de l’école d’en face n’étant plus là pour lui faire de l’ombre, elle put enfin affirmer et révéler son triste caractère. Opportuniste. Menteuse. Hypocrite. Ce fut naturellement qu’elle sut plaire ne se déplaçant pas dans les couloirs mais paradant, quoi qu’elle entreprenne. Elle commença aussi à boire et à fumer. Mais surtout, à l'âge de treize ans, elle sortit enfin avec le merveilleux Liam Callaway à qui elle est aujourd’hui fiancée. Elle avait eu pour lui le coup de foudre le jour où leurs parents avaient passés ensemble un week-end dans les Hamptons. Elle s'était alors jurée de l'épouser un jour et elle, Lolly Alexandrina O’Connor l’avait enfin obtenu… mais quoi de plus normal ? Après tout, n’est-elle pas… parfaite ? Pourtant, on ne peut pas dire que lui soit le parti idéal ; et peu désireux de suivre les préceptes de sa famille (et surtout pas ceux sur la virginité avant le mariage) et peu soucieux de s’en cacher, il l’a toujours trompée ci et là. Accusant le coup, Lolly a toujours fermé les yeux sur ses petits écarts. Une histoire n’est une histoire que si on en fait une histoire. Et un couple n’est parfait que s’il a l’air de l’être ; alors tant qu’ils sourient quand ils se tiennent la main.

Mais comme si son processus d’autodestruction ne suffisait pas à la satisfaire, elle a depuis fait d’Elora son punching-ball. Et on ne parle pas ici de fringues empruntés et jamais rendues ou de moqueries savamment adressées. Lolly entretient un sentiment maladif de possessivité par rapport à sa sœur et paradoxalement de profonde répulsion. Et si durant leur enfance, quelques personnes confondaient les deux sœurs (fausses jumelles néanmoins), ce n’est aujourd’hui guère plus le cas tant elles ont à cœur de se démarquer l’une de l’autre. Elora et son look rock, ses yeux cernés de noir. Lolly teinte en blonde dans des souliers BCBG, les lèvres peintes de rose. De nature jalouse et extrême, comment diable pourrait-elle supporter une sœur plus jolie, plus intelligente, plus aimée, plus douée, avec plus d’amis et de surcroit, un petit-ami fidèle ne voyant qu’à travers elle ? Cette pauvre fille occupée à traîner avec la plèbe et ne méritant même pas de figurer au rang des O’Connor osait lui voler tout son prestige… voilà ce que Lolly perçut pendant toute son adolescence, et voilà pourquoi elle prenait bien soin de constamment balancer sa sœur à leurs parents qui très vite, reprirent le respect qu’ils lui avaient pourtant si longtemps accordé.

Mais cela ne lui suffisait pas, au point qu’elle commette sciemment l’impardonnable et séduise, une chaude après-midi d’été, le petit-ami de sa sœur, et perde avec lui sa virginité. Elora les surprit (évidemment, tout était calculé) et après que le garçon soit vite parti par la fenêtre, la queue entre les jambes et le dos voûté, ne faisant pas franchement le fier… une terrible dispute éclata entre les deux sœurs qui en vinrent aux mains, se battant comme deux chiffonnières. Depuis, Elora, ne supportant plus les malversions desquelles sa sœur joue depuis toujours, a pris le chemin des Etats-Unis pour faire sa vie loin de cette Irlande et de cette famille écoeurante. Et c’est en digne princesse du Kerry que Lolly règne sur Cork. Respirant la pureté en apparence ; elle n’est pourtant depuis, pas plus qu’une triste nymphomane alcoolique, anorexique et droguée.